Manifeste pour un écosystème de la mode au XXIème siècle
La mode est plus que jamais un univers de création: elle est un acte de création artistique mais aussi un acte producteur de liens et créateur, a ce titre, de valeur économique et sociale. Le "système de la mode" aujourd'hui, c'est cette rencontre réussie du beau et du bien. Le fait que la couture et que les travaux d'aiguille soient pratiqués par des femmes et des hommes sans qualification reconnue, en fait un domaine privilégié pour les emplois d'insertion. Le fait que la technologie permette d'échapper à la production standardisée de prototypes conçus par un seul et ouvre au collaboratif et à la personnalisation, transforme le rapport à la création. La logique du "et" remplace celles du cynisme ou de l'indifférence.
La mode est une industrie et, comme toute industrie, elle doit repenser la valeur ajoutée économique autour du refus du gaspillage et du refus d'un découpage hiérarchisé du monde. Le "maillage vert" qui doit inspirer la mode prend en compte le recyclage écologique, avec des produits dotés de plusieurs vies, selon le principe "cradle to cradle". Il refuse par ailleurs un système de commercialisation/distribution ou certaines villes concentrent la création, tandis que de vastes régions sont vouées à la grande diffusion de vêtements sans âme et que des continents entiers servent de poubelles assurant l'écoulement des invendus.
La mode démode aujourd'hui ces théories dépassées qui organisent les besoins individuels selon une pyramide allant des nécessités basiques de la subsistance jusqu'aux aspirations élevées à la reconnaissance et a la réalisation de soi. La mode met en jeu la personne au delà de la psychologie car elle implique le corps; elle s'ouvre aux liens et au collectif car elle participe aux relations que chacun construit avec l'autre. La "haute culture", c'est l'ambition d'ériger la mode en un projet d'intermédiation culturelle, jetant un pont entre l'individuel et le collectif, notamment pour les personnes privées de l'accès à la culture et privées de la liberté de leur corps (prisonnières, malades, infirmes, personnes âgées, habitants relégués des favelas).
Un nouvel écosystème de la mode se définit pour le XXIème siècle au croisement de ces trois tendances lourdes: processus collectif diversifié ("système mode"), processus économique et écologique repensé ("maillage vert"), vocation culturelle affirmée ("haute culture").
La marque Sakina M'sa s'est constituée depuis plusieurs années autour d'un engagement méthodique dans ces trois combats. Cette intuition lui donne la légitimité nécessaire pour jeter les bases d'un projet collectif: structurer à partir de la France un nouvel écosystème de la mode pour toutes les parties prenantes, créateurs, commerçants, industriels, amateurs, amoureux de la mode.
Les progrès des technologies d'information donnent tout son sens à ce projet car elles peuvent permettre un déploiement puissant, à l'échelle du globe, de ce nouvel écosystème. Des lieux d'échange et de création d'un type nouveau seront institués: les "Fabshops", mariage de l'approche des "Fablabs" et des magasins. Un environnement Web sophistiqué sera progressivement tissé: Internet collaboratif, systèmes de conception 3D, processus de fabrication à la commande, adaptation des machines numériques et des technologies Fablabs à l'univers textile.
Sakina M'sa entend être à l'initiative d'un projet de préfiguration et de mise en place de ce nouvel écosystème qui reposera sur un jeu d'alliances associant l'énergie et les savoir-faire de différents acteurs: groupes industriels, acteurs de la "high tech", écoles de mode et de design, sites Internet grand public.